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J’aime Giacometti, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, pour les peintures qu’il a faites de sa mère.
Combien cela devait-il être, pour lui, une tâche incommensurable que de réaliser ces portraits afin d’essayer de dire montrer l’essence, l’indicible de l’Être, d’un être, quand devant soi, le tableau donne à voir un enchevêtrement de traces, de lignes circulaires se chevauchant, s’écartant, disparaissant, tout cela dans des tonalités de gris-bistre indéfinissables.
Ensuite pour ses sculptures, l’une en particulier : « l’homme qui marche », elle me paraît procéder de ce même désir, celui de montrer, de fixer « l’Homme » en marche, sa présence dans le temps et l’espace de façon existentielle.
Ainsi, »Femme qui marche –2- a été créée dans ce même état d’esprit. C’est elle malgré le -2- qui fût première dans ma pensée, en regard de « femme aux béquilles ». Elle fût le « personnage-sculpture », ouverture de cette série.
Quelles en furent les raisons ?
Lorsqu’il fût question de l’éventualité d’exposer à l’Hôtel-Dieu, une des premières idées qui me vint à l’esprit, fut de réaliser, comme il me l’avait été demandé, un travail en relation avec ce lieu ; il pouvait donc s’y trouver des personnages allongés, malades.
En 1981, j’avais déjà réalisé deux femmes, l’une nue couchée, l’autre debout, marchant, vêtue à l’antique, l’ensemble grandeur nature ; leur incidence plastique était différente, à l’issue de leur exposition, par manque de place, je les détruisis.
Cependant je gardais et intériorisais la façon de travailler avec ce matériau basique, même peut-être trivial par rapport à la noblesse de la pierre ou du marbre, puisqu’il s’agissait juste de grillage pour élaborer des cages. Mais quelles qualités !!!!., malléable, étirable, compressible, façonnable.
Aussi pour ce premier personnage, « femme qui marche » que je souhaitais grandeur nature, je m’en référais approximativement à ma taille. Néanmoins, à l’avancée de la torsion, le personnage s’étirait, s’amincissait ; il était devenu trop grand et filiforme, aussi je l’ai laissé de côté, ne sachant quelle position lui faire adopter.
Et c’est alors dans un deuxième temps une fois la femme aux béquilles réalisée, que j’ai souhaité en donner une version optimiste positive. J ‘ai repris la structure citée juste ci-dessus, j’en ai réduit la grandeur, puis l’ai positionnée dans une attitude de marche. Mais bien que très malléable, le travail de formatage du grillage est quelque peu ingrat. Le métal est parfois difficile à plier, modeler, mettre dans la forme souhaitée la plus expressive. De plus, sans être recouvert -d’une surface quelque peu opaque et uniforme on ne peut en apprécier complètement la position, la stature ; celle-ci n’apparaît vraiment visible qu’une fois le recouvrement blanc achevé. Aussi « femme qui marche »-2 – ne présente que peu de stabilité, qui de façon tout à fait opportune accentue la filiation entre la « solidité » de la « femme soutenue par ses béquilles » et la fragilité encore incertaine d’une mobilité recouvrée.